Traits culturels

Poli ou impoli ? C’est culturel !

 

La politesse n’est pas universelle. L’idée de la politesse l’est, mais la façon de l’être dépend de chaque culture.

 

 

Ceci étant posé, comment savoir qu’est-ce qui est poli ou impoli selon les cultures ?

 

 

Il est généralement assez délicat de poser la question directement. A moins d’avoir un(e) très bon(ne) ami(e) qui de plus n’est pas impliqué(e) dans la situation que vous voulez explorer, il faut y aller par tâtons.

 

 

En ce qui concerne la culture américaine, il y a d’abord les généralités. La politesse à l’américaine se traduit par : les américains ont une attitude très positive face aux évènements, même les plus embêtants (pensez aux américains qui attendent patiemment dans la file d’attente là où les français râlent) et du coup il n’ennuient pas les gens alentours par leurs mouvements d’humeur. Ils semblent s’intéresser (beaucoup) à ce que vous dites (difficile de savoir jusqu’à quel point ce que vous dites les passionne mais ils ont
généralement l’air très emballés). Et ils utilisent souvent des mots positifs pour décrire même leurs pensées négatives (c’est ainsi que interesting généralement ne signifie pas « intéressant » mais plutôt « étrange », « surprenant » (dans le mauvais sens du terme) voire « c’est n’importe quoi » !)
Tout ça est assez facile à identifier. Il suffit de passer quelque temps dans le pays et d’être attentif à son environnement pour identifier ces comportements culturels. Mais il y a des niveaux plus difficiles à explorer. Et des comportements plus difficiles à identifier. C’est par exemple le cas lorsqu’un américain observe le silence.
 
 
Une des premières fois où cela m’est arrivé, c’était à la clinique médicale du quartier que l’on m’avait conseillée pour prendre RV avec un médecin. Je ne me souviens plus des détails de l’échange, mais la secrétaire m’a posé beaucoup de questions et a exigé beaucoup de documents de ma part (toujours ce problème d’assurance médicale française qui déplait tant ici) et a fini par me demander mon passeport. Je l’avoue, ça m’a carrément gonflée, car je venais de lui donner mon driver’s license du Maryland et je trouvais qu’elle poussait le bouchon un peu loin. Et j’ai dû le lui faire comprendre (probablement en verbalisant mon mécontentement et mon incompréhension…) Et là, cette dame en face de moi derrière son bureau a passé de longues minutes à tapoter sur son ordinateur. Je n’arrivais pas à savoir si elle faisait des recherches sur le cas saugrenu de patiente avec une assurance française que je représentais ou si elle faisait son courrier ou autre chose ? Et elle a fini par me répéter qu’il lui fallait mon passeport, ce que je n’avais pas. Inutile de vous dire que je n’y suis plus retournée.
Mais il y a des cas plus compliqués. Par exemple ce genre de situation m’est aussi arrivée au téléphone. Et là, difficile de savoir s’il s’agit d’un mutisme exaspéré ou si votre interlocuteur est juste en train d’achever une tâche. En effet il m’est aussi arrivé de relancer la personne qui me répond alors « oui je suis en train de remplir le dossier » (par exemple). Du coup maintenant j’attends jusqu’à ce que l’autre me relance. Soit il est en train de faire quelque chose et il me relancera quand il aura fini. Soit il boude et nous boudons ensemble. Mais je le laisse reprendre l’initiative !
C’est encore plus compliqué par email. Est-ce que votre interlocuteur ne vous répond pas parce qu’il est occupé ou est-ce qu’il trouve votre question / remarque / idée saugrenue voire déplacée, gênante ou que sais-je encore ?
Lorsque cela m’arrive (heureusement pas souvent !) j’hésite à relancer la personne. En effet je ne veux pas la harceler si elle est occupée. Mais il est arrivé que je rencontre la personne par exemple en face à face et le sujet de mon mail revienne sur le tapis et qu’elle me dise « vraiment désolé(e), je n’ai pas eu le temps de répondre mais ça me va ! » (par exemple). Et parfois au bout d’un moment de silence par mail je me dis « ma question / remarque / idée n’a pas dû lui plaire ! ».
Mais il y a encore plus compliqué ! En effet, nous avons eu la chance de rencontrer beaucoup de gens sympathiques et intéressants ici, aussi bien professionnellement que personnellement, dont certains sont devenus des amis qui nous permettent de nous sentir intégrés à la vie américaine et c’est vraiment chouette. Mais j’ai expérimenté aussi deux situations relationnelles qui me sont restées mystérieuses et qui relèvent, je pense de la question de la politesse et de la culture.
La 1ère (qui est aussi celle qui m’a le plus intriguée, et je dois l’avouer, affectée), c’est le cas d’une mère de famille dont les enfants vont à la même école que la mienne. Nous avions plusieurs points communs (en plus de l’école) et nous avions sympathisé, au point où elle nous avait invité chez elle à déjeuner et je leur avait rendu l’invitation. Nous avions aussi fait des sorties avec les enfants, bref une chouette relation amicale.
Puis à la fin de l’été il m’a semblé qu’elle prenait ses distances. Quand on se voyait (par exemple à l’école) elle était amicale mais je ne sentais plus de sa part la même volonté de faire des choses ensemble. Au bout d’un moment et après des hésitations, j’ai fini par faire ce qui me semblait le mieux : comme je ne me sentais pas assez à l’aise pour me lancer dans une discussion embarrassante de vive voix, je lui ai écrit un petit mail pour lui demander si tout allait bien, ou si involontairement je l’avais offensée en quoi que ce soit.
Elle m’a répondu par un long mail où elle me disait qu’elle appréciait les moments que nous avions passé ensemble, et qu’elle aimerait que nous en ayons d’autres, etc. Puis je l’ai revue quelques jours plus tard et je la trouvais presque évitante ! Je n’ai évidemment pas insisté et maintenant nous nous disons à peine bonjour !
Cette histoire m’a fait penser à l’expression française « avoir le courage de dire les choses en face ». Je pense que nous estimons qu’aussi pénible que puisse être la situation, nous « devons » à l’autre une explication, surtout s’il la sollicite ! Alors que je crois que selon la culture américaine, il s’agit plutôt « d’épargner » à l’autre (et peut-être à soi aussi) une situation embarrassante.
Et il me semble que même si en France on ne veut pas rentrer dans des explications sans fin, au moins en vis à vis on a l’honnêteté de ne pas faire semblant.
La 2e situation (qui m’a moins touchée) concernait une autre mère du réseau des parents d’élèves avec laquelle je n’avais pour le coup pas de point commun et avec laquelle je n’avais pas spécialement sympathisé. Je l’ai rencontrée dans la rue le jour d’Halloween, alors que le jour-même elle avait fêté l’anniversaire de sa fille avec des enfants de notre réseau commun, sans inviter les miens. Mais lorsque nous nous sommes vues dans la rue, elle a passé 5 bonnes minutes à discuter avec un grand sourire et à relancer la discussion alors que je cherchais à partir ! Elle a fini en disant « je vais inviter les autres mères bientôt, il faudrait que tu viennes aussi » … et elle a fini par inviter les mères sans m’envoyer son invitation (tout en ayant mon adresse mail). Étant donné la nature de notre relation (inexistante), rien de tout ceci n’était étonnant, si ce n’est la discussion hyper chaleureuse dans la rue !
 
 
Ces différences de culture m’ont apparu nettement lorsque sur un site de parents j’ai lu l’interview de l’auteure d’un livre sur l’amitié… A un moment la journaliste posait la question suivante :
« Can you talk about the dynamics of friendships — how do you break up with a friend who is not right for you anymore? » (« Pouvez-vous parler de l’évolution de l’amitié – comment rompre avec un(e) ami(e) qui ne vous convient plus ? »)
Réponse:
« I’ve been getting this question a lot, and I think it depends on why you’re breaking up. If it’s somebody who is a kind person, but you just don’t feel a connection, I think you could take the path of disengagement. […] But when somebody betrays you, that’s a little different. Then you can straight out say, “I don’t want to be your friend anymore.” » (« On m’a souvent posé cette question, et je pense que cela dépend de pourquoi vous rompez. Si c’est une personne gentille, mais avec laquelle vous n’avez plus de point commun, je pense que vous pouvez prendre le chemin du désengagement. […] Mais quand une personne vous trahit, c’est un petit peu différent. Là vous pouvez être direct et dire « je ne veux plus être ton ami(e). » »)
Si vous comprenez cet extrait comme moi, cela veut dire que quand on ne vous dit pas les choses en face, on veut être poli et gentil ! C’est typiquement une différence culturelle.
 
 
 
 

7 Comments

  • Todd

    The story of halloween encounter in the street is a very good example of a cultural difference and I can see why the French "brutal honesty" is not so bad! Wasn't clear on the silence at the doctors office. And the "advice" on how to break up with a friend is very American as you say. There was once a Seinfeld episode that used that as a theme – and was very funny. thanks also for your post on Veterans day- it was of interest but I was very busy with work for the last week. That was the reason for my "silence" on that one. 🙂
    Todd

  • SuperSepideh

    Hi,
    Sorry for this late answer to your comment, busy life…
    I was glad to read this because you seem to confirm my observations.
    It’s interesting to read about the “brutal honesty” of French people. I think for us it’s once again a question of consistency… Could you give me the name of Seinfeld episode you mention? I would like to watch it. And no worries about the “late” comment… I’m always pleased to see comments!

  • Todd

    Hi Sepideh. The Seinfeld Episode was "Male Unbonding" from Season One, epidsode 2.

    Todd

  • AdA

    Je n'ai pas la réponse mais c'est un article qui m'a profondément touchée parce que j'y suis confrontée assez régulièrement. Je pense juste qu'en effet les Américains n'ont pas le courage de dire les choses en face pour s'épargner, eux, et qu'en fait, les autres les intéressent très superficiellement. De ceux que je rencontre, j'ai l'impression que la famille est sacrée, ainsi que les amitiés du lycée, le reste les touche très peu.
    Mais, si jamais vous avez une autre explication, je serais très contente de l'entendre ! 😉

  • SuperSepideh

    Bonsoir AdA,

    Je ne sais pas pourquoi votre commentaire était parti dans les spam… mais tout est rétabli maintenant !

    Votre commentaire m’a interpellée. A quel endroit des États-Unis habitez-vous actuellement (si ce n’est pas indiscret) ?

    Pour ma part, j’ai plutôt eu des expériences positives (à part les 2 que je cite), c’est donc un peu compliqué de savoir si j’ai eu de la chance, si c’est « régional » ou si c’est le hasard. Mais dans certains cas que j’ai pu observer de loin, il me semble que les amitiés nouvelles étaient grandement intéressées. J’ai par exemple entendu dire une personne installée dans son nouveau quartier depuis peu d’années « je suis très proche de ma voisine. » Puis à une autre occasion « elle va régulièrement chercher mes enfants à l’école quand je ne suis pas disponible. Elle est si bonne avec moi. » Et j’avais l’impression que les deux étaient liées… Mais j’ai aussi rencontré des gens désintéressés et chaleureux… Avez-vous une anecdote particulière à me raconter par exemple ?

    A bientôt,

  • AdA

    Je suis à environ 5h à l'ouest de chez vous. J'ai également eu -et ai encore- quelques expériences positives avec les Américains, mais ceux déjà habitués (ou tout au moins sensibilisés) aux étrangers. Pour le reste, j'ai vraiment l'impression que c'est superficiel, très chaleureux quand on se voit, mais ça ne manque pas du tout si on ne se voit pas.
    Maintenant, je pense aussi que vous habitez sur la côte, là où se trouvent beaucoup d'étrangers (d'un autre pays, ou d'un autre état sans lien avec la ville), c'est peut être un peu plus facile que dans un coin où beaucoup sont là depuis trois générations …
    Je n'ai pas spécialement d'expérience marquante à raconter, c'est plutôt une forte impression que j'ai depuis que je suis arrivée. Bref… c'est peut être moi, c'est peut être aussi le coin (ça sent bien le Midwest là où je suis).

  • SuperSepideh

    Bonsoir Ada,

    je ne vous réponds que ce soir, puisque nous étions en voyage… Je suis à 100% d'accord avec vous : l'endroit où on habite influence aussi le comportement général des gens. En effet c'est déjà le cas en France (les gens du Nord sont réputés chaleureux, ceux du Sud très souriants mais plus distants, et les parisiens sont dits pressés…), c'est au moins autant vrai dans cet immense pays que sont les États-Unis !

    J'espère que vous avez passé un bon Thanksgiving et à bientôt sur le blog!

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