L'(absence de) mixité des populations
La diversité et la mixité des populations est une question complexe, autant en France qu’aux États-Unis. Et je n’ai pas la prétention de la couvrir de façon exhaustive car je n’en ai pas la compétence. Je vais donc encore une fois traiter mon sujet de façon très factuelle, tel que nous l’avons constaté ici.
Comme vous le savez surement aux États-Unis les statistiques raciales existent. Voici donc quelques faits connus concernant Baltimore : à Baltimore City 63% de la population est noire et 32% est blanche, entre autres (alors que la moyenne de l’État de Maryland est l’exacte inverse : 60% de blancs et 30% de noirs). Baltimore City a aussi la réputation d’être une ville relativement pauvre (plus de 20% de la population, alors que la moyenne du Maryland est d’un peu plus de 8%, de même que le reste de Baltimore County), avec un taux de criminalité relativement important (d’ailleurs à ce propos je tire mon chapeau à la police qui publie et diffuse avec une grande transparence ses statistiques de façon hebdomadaire et il est très facile d’y accéder en ligne).
Baltimore a également la réputation d’être une plaque tournante de la drogue (plus exactement de l’héroïne) aux États-Unis. Mais les Baltimorians détestent cette réputation et la décrient haut et fort. Il y a par exemple eu fin août un documentaire diffusé sur la chaîne National Geographic sur ce sujet et Baltimore Sun n’avait pas de mot assez dur pour décrier ce documentaire (selon eux trop tendancieux et faisant peut-être jouer des acteurs plutôt que de filmer de vrais dealeurs de drogue…) J’ai regardé le documentaire, c’est
vrai que l’image qu’il renvoie de Baltimore est surprenante et ne correspond pas à ce que je connais.
Concernant la question raciale, on dispose aussi de la répartition géographique des populations et ce qu’on constate, du moins sur le plan, c’est que les populations ne se mélangent pas. Il existe à ce propos divers plans, par exemple cet étonnant plan des Etats-Unis avec la répartition des populations :
Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce plan représente exactement la répartition géographique des populations. Et ce manque de mixité, on l’a effectivement constaté. Par exemple nous habitons à Hampden, quartier essentiellement blanc sur le papier (mais aussi dans le réel), qui jouxte Druid
Hill, quartier essentiellement noir. Les deux quartiers sont séparés par l’autoroute I83. Et c’est étonnant comme la population change entre ces 2 quartiers. Quand on se balade dans la rue, à Druid Hill on ne croise pour ainsi dire que des African-Americans. Il y a un grand Centre Commercial dans ce quartier où nous allons de temps en temps et au bout d’une ou deux fois notre attention a été attirée par la différence de population : on ne croise que des noirs. Une connaissance (de Hampden) m’a dit que ses voisins évitent d’aller à ce Centre Commercial et s’étonnent qu’elle y aille. Et je pense que l’inverse est aussi vrai : on reste entre-soi (dans sa community ?).
Hampden est grosso modo situé dans la partie centrale bleue, entre les deux ailes vertes du “papillon”. Druid Hill, lui, est situé sur “l’aile” gauche Je réédite en partie ci-dessous un article que j’avais publié fin mai dans une 1e version du blog (que j’ai abandonnée depuis) appelé Free Friday Concerts.
Le sujet était les concerts gratuits auxquels nous avons assistés cet été, mais la question raciale y est sous-jacente :
“Cela fait 3 vendredis soirs qu’on va à un de ces concerts de plein air. Les enfants ont déjà leurs habitudes et raffolent de ces sorties du vendredi soir.
En fait il s’agit à chaque fois d’un concert gratuit soit à côté de magasins et restaurants, soit dans un parc, avec des espaces verts où on peut s’asseoir sur des chaises pliables (fournies ou à emmener avec soi) ou s’asseoir sur l’herbe (j’ai vu des gens avec de superbes nappes de pique-nique et j’ai trouvé la marque spécialiste de ce genre d’accessoires, JJ Cole, qui vend des nappes waterproof pliables en sac, à porter en bandoulière, vraiment parfaites et très pratiques.) On peut soit amener son pique-nique, soit acheter à manger et à boire aux stands qui sont montés pour l’occasion. A chaque fois l’ambiance est très bonne et très familiale, avec plein de gens qui dansent, et la musique est bonne.
La semaine dernière nous étions allés pour la 2e fois au Belvedere Square à Towson, banlieue chic du nord de Baltimore (où nos 2 petits vont à la crèche) : c’est très pratique, on part les chercher (avec nos 2 grands) et on s’arrête là-bas sur le chemin de retour.
Belvedere Square à Towson
Et ce soir nous sommes allés au jardin botanique de Baltimore, situé dans le quartier Druid Hill, de l’autre côté de l’autoroute par rapport à notre quartier, Hampden. Je ne connais pas très bien ce quartier mais à chaque fois qu’il m’est arrivé de le traverser en voiture, je l’ai trouvé propre et agréable.
Howard Peters Rawlings Conservatory & Botanic Gardens
L’ambiance était très bonne et là vraiment beaucoup de gens dansaient. Cela dit au bout d’une demi heure, nous avons remarqué un détail qui nous avait échappé au départ : quasiment tout le monde (y compris le groupe qui jouait de la musique) était noir. En fait à part nous-mêmes, nous n’avons vu que 2 autres couples blancs. Et là je me suis souvenu que nous étions allés une fois à la piscine publique de plein air du quartier Druid Hill, et là encore quasiment tout le monde était noir. Alors qu’apparemment on trouve une population
quasi totalement blanche à la piscine de Hampden. Mais il ne faut pas se tromper : au même titre que les rues et les maisons de Druid Hill, la piscine était aussi très propre et belle. J’entends par là qu’il ne s’agit pas là d’un ghetto au sens où on peut l’entendre en France (sens péjoratif). C’est juste que les populations ne se mélangent apparemment pas trop.
C’est bizarre car en France on n’est pas très habitués à ça. Je veux dire qu’il me semble que globalement la mixité sociale est plus grande. Mais j’insiste encore sur le fait que quartier noir ne vaut pas forcément dire quartier pauvre (autant que nous puissions en juger de l’extérieur) : il y avait par exemple autant de belles voitures sur le parking de ce côté-ci de l’autoroute que de l’autre côté…
En fait on reste beaucoup plus dans sa community. Cette notion de community ne se limite pas aux questions de «race» et de « couleur », chacun a une ou plusieurs community, qui peut être son voisinage, son université où il a fait ses études ou son église… Et chacun s’appuie beaucoup sur ses communities. C’est une notion que nous avons encore un peu de mal à appréhender, qui est à la fois séduisante (car cela sous-entend de l’entraide et un groupe soudé dans un pays réputé individualiste) mais qui nous semble aussi réductrice puisqu’on est censé avoir un a priori positif envers les membres de sa community, mais alors quid du libre arbitre ? Mais il doit y avoir des subtilités que nous n’avons pas encore cernées… En tout cas le quartier géographique de Druid Hill semble être essentiellement dédié à la community noire… Mais cela reste à confirmer.
Une dernière chose : en France où il est interdit de faire des statistiques « raciales », à chaque fois qu’on peut évoquer ces questions, on peut être suspecté de racisme. Ce n’est évidemment pas mon propos ici et je trouve que le racisme est une des choses les plus hideuses au monde. Mais ici aux États-Unis comme chacun le sait un autre choix a été fait : celui de traiter le sujet et si j’ose dire prendre le taureau par les cornes et poser clairement la question de la place de chaque population dans la société. Et c’est bien dans ce sens que j’aborde ces questions ici.”
2 Comments
Anonyme
I think this is a common phenomenon throughout the US.
Todd
Mitra
Hi Todd,
Maybe it's common and usual for Americans, but it is quite surprising for French people. Higher mixity in France is probably a consequence of "French assimilation" ideal.