Inclassable

Le 13 novembre : un an après la vie dans les lieux publics

 


 

Aujourd’hui est un jour d’une infinie tristesse. Nous commémorons la mémoire des victimes des attentats du 13novembre, qui ne furent hélas ni les 1e depuis janvier 2015, ni les derniers.

 

Comme beaucoup, je me souviens de ma vie ce jour-là : le 13/11/2015 était la journée de la gentillesse en France (et ce depuis quelques années. Ce jour a évidemment été changé depuis). Je me suis réveillée au milieu de la nuit de vendredi à samedi comme cela m’arrive quasiment tous les soirs, j’ai jeté un coup d’œil à mon téléphone et là, stupeur, on parlait d’attaques terroristes au Bataclan et au Stade de France. On parlait aussi de la fermeture des frontières, et mon mari devait revenir d’un voyage aux Etats-Unis cette nuit-là. Allait-il pouvoir rentrer ? Le dimanche matin nous devions aller à Paris pour voir ma petite nièce née 10 jours plus tôt. Etait-ce raisonnable d’aller à Paris à ce moment-là ?

 

 

Le lendemain matin j’ai dit aux enfants qu’il y avait eu des attentats à Paris. Je crois en effet qu’il vaut mieux leur en parler dans des mots choisis, sachant qu’ils vont forcément en entendre parler à l’école. Je me souviens que mon fils d’alors 4 ans et demi m’a demandé « et papa est mort ? » J’étais estomaquée, je croyais avoir eu des mots clairs, mais peut-être pas.

 

 

Je me souviens avoir pensé à ma famille et mes amis qui vivent en région parisienne, en me disant qu’ils auraient pu se trouver dans le secteur des attentats la nuit précédente. Je me souviens avoir pensé que des terroristes (en fait le terroriste S. Abdeslam comme nous l’avons appris ensuite) étaient repassés par l’autoroute de Lille, tout près de nous, pour regagner la Belgique.

 

 

Le président de la République et le Premier Ministre ont parlé de guerre. Je me souviens que cela a réveillé en moi d’autres souvenirs d’imminence de la mort brutale et injuste. Je me souviens en effet avoir repensé à la guerre entre l’Iran et l’Irak, aux périodes de bombardement entre les 2 capitales, Téhéran et Bagdad et à l’angoisse que je ressentais. Je me souviens qu’on s’abritait à la maison dans un espace sous les escaliers, sachant pertinemment que si une bombe nous tombait dessus, cet abri était vain et dérisoire. Mes parents nous avaient emmenés avec eux lorsqu’ils étaient allés voir des immeubles bombardés à quelques pâtés de maison de nous (aujourd’hui en tant que parents on ne le ferait sûrement pas, mais d’autres temps, d’autres mœurs …). Et quelques temps après, j’avais de façon inexpliquée un mal de ventre à me faire plier en 2 à la tombée de la nuit. Après des consultations de spécialistes et quelques examens médicaux, il s’est avéré qu’il s’agissait « juste » d’une angoisse intense (les bombardements arrivaient plus souvent la nuit)… Je me souviens que même lorsque nous sommes venus en France, pendant plusieurs mois (ou était-ce plusieurs années ?) à chaque claquement de porte toute la famille sursautait comme si on entendait de nouveau l’explosion des bombes…

 

 

Aujourd’hui, au-delà de la compassion sincère que nous ressentons pour les victimes du 13 novembre et des attaques ultérieures, on vit tous avec la peur en creux d’un nouvel attentat. Il parait que les autorités craignent des attaques dans des écoles. Comme parent, cela me fait frémir. Et comme pour la violence aux armes à feu aux Etats-Unis, j’essaie surtout de ne pas trop y penser.

 

 

 

Je suis reconnaissante aux forces de police et à l’armée de faire leur possible pour nous protéger de cette éventualité. Et j’aimerais qu’on puisse, en tant que citoyen, faire quelque chose pour les y aider. Mais je ne pense pas que les fouilles et autres contrôles d’identité par des vigiles y contribuent.

 

 

En effet au lendemain des attentats du 13 novembre il fallait ouvrir son sac devant les vigiles qui suite à ces évènements avaient été appelés dans quelques grands commerces et lieux publics. Déjà je me demandais à quoi cela servait, car à moins d’être sacrément amateur pour 1) avoir une arme ou un engin explosif dans son sac 2) ne pas voir qu’un vigile fouillait les sacs 3) ouvrir son sac devant le dit-vigile, ces fouilles ne devaient pas produire beaucoup de résultat. Mais l’émotion du moment nous amenait tous à nous sentir rassurés par ces mesures dérisoires. Malheureusement les attentats suivants ont montré que leur mode opératoire change régulièrement.

 

 

Mais un an après la situation est encore aussi confuse et les mesures semblent aussi dérisoires. En effet certains jours dans certains lieux publiques on vous demande d’ouvrir vos sacs. Mais pas de façon systématique. Parfois le vigile est en train de discuter avec quelqu’un, ou de regarder à l’intérieur d’un sac, et vous passez à côté sans qu’on vous demande de vous arrêter ou d’attendre.

 

 

Au Conservatoire de musique où vont mes enfants, les premiers temps il fallait ouvrir non seulement les sacs, mais aussi les sacs des instruments. Puis plus rien. Il y a quelques semaines, pendant quelques jours il fallait passer dans un chemin balisé délimité par des cordons de sécurité, mais sans aucune fouille. Puis cela s’est de nouveau arrêté.

 

 

A la fin des vacances de Toussaint, le Centre d’Activités de mes enfants organisait comme tous les ans un après-midi portes ouvertes pour les parents. Cette fois à l’entrée on nous a demandé des pièces d’identité (alors que nous n’avions pas été prévenus). Mon mari n’avait pas la sienne sur lui. Ils se sont contentés de sa carte vitale avec son nom de famille dessus ! Mais même une carte d’identité en bonne et due forme ne constitue pas pour moi un rempart à quoi que ce soit ! Je crois me souvenir que lors des différents attentats, au moins 2 terroristes avaient été identifiés grâce à leurs papiers d’identité sur eux, comme quoi même des terroristes peuvent avoir leurs papiers avec eux !

 

 

Enfin il y a une semaine nous sommes arrivés le samedi matin au Centre d’Activités Extrascolaires que fréquente ma fille. Elle y suit toute les semaines une séance de piscine en « atelier parent/enfant » avec moi. Mon mari nous y dépose. Or quelques jours auparavant on nous avait donné un carton jaune non nominatif simplement avec le logo du Centre dessus. Rien de plus simple que de le photocopier… Nous avions oublié le carton. Alors le vigile qui regardait simplement les gens passer avec leurs cartons non nominatifs (et facilement falsifiables) est sorti de son abri et nous a demandé nos pièces d’identité… qu’on avait laissé dans la voiture garée assez loin. Il nous a demandé de passer à l’Accueil du Centre, tout en nous suivant pour s’assurer qu’on y passerait bien… Pendant ce temps-là une 15aine d’autres personnes sont rentrés dans le Centre à cette heure de pointe sans que qui que ce soit vérifie quoi que ce soit ! Et à l’Accueil on nous a redonné un carton, sans aucune vérification !

 

 

Evidemment si on nous avait empêchés de rentrer nous aurions râlé… à tort, puisque la sécurité devrait passer avant tout. En même temps quand on se présente avec une enfant de 3 ans qui s’accroche à votre cou, on peut supposer qu’il s’agit bien de parents et d’enfants… Et puis quelle est la cohérence de suivre un couple avec un enfant en laissant l’entrée libre pour tous les autres ? N’aurait-il pas fallu avoir plutôt 2 vigiles à l’entrée pour ce genre de cas ? Ou donner des consignes écrites et claires à tous plutôt que distribuer quelques jours auparavant des cartons à tous à la va vite ?

 

 

Les seuls lieux que j’ai fréquentés, qui à mon sens sont actuellement bien protégés à Lille sont la Préfecture de la Police et la Mairie de Lille. En effet il y a des policiers à l’entrée de chacune et il faut passer sous un portique.

 

 

Les fouilles de sacs ne vont surement pas arrêter quelqu’un de déterminé. Ils pourraient tout au plus dissuader des amateurs… Pourquoi pas, mais alors il faudrait de la cohérence et des fouilles systématiques. Car aujourd’hui on a plus l’impression d’avoir affaire à des mesures sans efficacité censées juste nous rassurer. Et  moi, ça ne me rassure pas du tout.

 

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