La Virginie : terre des présidents
La Virginie est un des 13 premiers Etats constituant les Etats-Unis. Les Virginiens sont très fiers de leur histoire et notamment d’avoir été Home State (ou Etat d’origine) de 8 présidents, dont 4 des 5 premiers présidents américains : Georges Washington, Thomas Jefferson, James Madison, James Monroe.
Dans le cours d’histoire et de géographie en école primaire, les élèves étudient donc l’histoire de la Virginie, depuis ses premiers habitants Indian-Americans en passant par les premiers colons Anglais, l’esclavage, la guerre d’Indépendance, la guerre de cession, etc.
Nous avions visité Mount Vermont, la propriété de Georges Washington il y a un peu plus 4 ans (voir ici). Pendant les vacances de Noël, nous avions décidé de passer 2 jours à Charlottesville, VA qui se trouve relativement proche de nous et visiter les propriétés de 2 autres présidents : Thomas Jefferson et James Monroe.
Il y a un autre président dont la propriété se trouve assez proche de ces derniers. Il s’agit de James Madison qui habitait à Montpelier, VA, à environ 45 minutes au Nord de Charlottesville, soit environ 8 heures en calèche a l’époque de ces présidents. Mais cette propriété était fermée pendant notre voyage donc nous n’avons pas pu la visiter cette fois-ci. Par contre ce que nous avons appris c’est que ces 3 présidents (Jefferson, Madison et Monroe) était contemporains, très proches et ont servi dans les gouvernements les uns des autres. On dirait aujourd’hui le gouvernement des copains … Mais il faut dire que ce que ces 13 Etats comptaient d’élite à l’époque se sont tous trouvés pendant les « Continental Congress » qui ont débouché sur la Déclaration d’Indépendance et la Constitution des Etats-Unis.
Ce que je vais relater ci-dessous est essentiellement le fruit de notre visite guidée à Monticello et quelques lectures que j’ai faites ensuite. Ces personnages historiques sont tellement importants dans l’histoire des USA qu’il y a de nombreux experts qui ont étudié chaque détail de leurs vies et carrières. Si vous êtes experts ou si vous constatez des inexactitudes, n’hésitez pas à me le signaler.
Monticello, la maison de Thomas Jefferson
Cette propriété dont le profile apparait sur le côté pile des pièces de 5 cents ou nickel, alors que l’effigie du président Jefferson y apparait côté face, se trouve à une dizaine de minutes en voiture a l’extérieur du centre-ville de Charlottesville. Il s’agit d’une grande propriété de 2000 hectares que Th. Jefferson y a habité par intermittence de 1770 jusqu’à sa mort en 1826 et il y a fait faire des travaux de construction puis d’agrandissement et rénovation à plusieurs reprises. L’intérieur de cette grande maison bourgeoise est très agréable, même pour les standards d’aujourd’hui. Il y a en particulier de nombreuses fenêtres, portes-fenêtres et puits de lumières qui rendent les pièces très lumineuses et c’était assez rare pour l’époque.
Notre guide nous a dépeint Thomas Jefferson comme un érudit touche-à-tout et en quelque sorte un chef de clan. Il avait notamment pris sous son aile James Monroe, de 15 ans son cadet et a été son mentor pendant ses études de droit. D’ailleurs ce dernier avait acheté sa propriété, le Highland de façon à être à proximité immédiate de Monticello et il y avait à l’époque, nous a-t-on dit, un chemin direct qui permettait de passer directement d’une propriété à l’autre. De même Thomas Jefferson et James Madison étaient de très bons amis et Madison se rendait régulièrement à Monticello (une journée de route) et y séjournait une quinzaine de jours. Apparemment les enfants de Jefferson appelaient même la chambre d’ami « la chambre de Mr. Madison ».
Thomas Jefferson est connu pour sa contribution déterminante à la rédaction de la Déclaration de l’Indépendance et de la Constitution. C’est lui aussi qui a insufflé l’idée de la liberté religieuse dans la Constitution de l’Etat de Virginie qui a été repris dans le Bill of Rights (les 10 premiers amendements). Jefferson était très habile à manier les mots et à leur donner une note poétique. C’est ainsi que dans la Déclaration de l’Indépendance il est affirmé le droit inaliénable du peuple au « Life, Liberty and the poursuit of Happiness », cette dernière partie étant au départ « la poursuite de la prospérité » mais a été remplacé par ce terme plus poétique de « poursuite du bonheur ».
On apprend aussi à Monticello le rôle des esclaves et le décalage entre le discours officiel et la vie pratique dans la propriété de Thomas Jefferson. En effet Jefferson a possédé au total 600 esclaves au cours de sa vie (130 à un instant donné) qu’il n’a jamais libérés, à l’exception notable d’une petite poignée d’entre eux (dont je vais parler un peu plus loin). Si Jefferson n’a pas procédé à la libération de ces esclaves, c’est clairement pour des raisons économiques. En effet, en tant que propriétaire terrien, il estimait ne pas pourvoir s’en sortir sans le travail gratuit de ses esclaves. A sa mort. Jefferson étant criblé de dettes, ses esclaves et le reste de sa propriété ont été vendus aux enchères et de nombreuses familles, mères, pères et enfants ont été séparés.
Enfin, ce qui a également beaucoup choqué mes enfants pendant la visite, c’est l’histoire de Sally Hemmings. Il s’agit d’une très jeune esclave de 14 ans (de 30 ans plus jeune que Th. Jefferson) qui a accompagné une des filles de Jefferson lorsque celle-ci allait rejoindre en 1787 son père, alors ambassadeur en France (de 1785 à 1789). Elle a mis au monde six enfants de Thomas Jefferson dont 4 ont vécu à l’âge adulte. Thomas Jefferson ne les a jamais reconnus, ni sa famille ensuite et ils ont été soumis à l’esclavage, tout comme leur mère Sally Hemmings. Ils avaient cependant quelques « privilèges », par exemple passer du temps auprès de leur mère. Lorsqu’en 1789 Jefferson a quitté la France pour revenir en Virginie, Sally Hemmings aurait pu refuser de le suivre puisqu’en France elle était libre. Elle a cependant accepté de le suivre en lui faisant promettre que leurs enfants allaient être libérés à leur majorité (21 ans). Ses deux fils font partie d’une petite poignée d’esclaves officiellement libérés à la mort de Jefferson. Il est aussi à noter que Sally Hemmings était la demi-sœur de Martha Jefferson, la femme de Thomas Jefferson (décédée en 1782). En effet, elle était elle-même l’enfant « illégitime » de John Wayles, le beau-père de Thomas Jefferson. Elle était donc à moitie blanche et à moitie noire.
Ce passé peu glorieux était clairement expliqué et exposé sans faux-semblant. Il y a d’ailleurs une petite exposition à la sortie de la demeure principale sur l’histoire de Sally Hemmings et ses enfants. C’est apparemment assez récent, et le sujet est à l’évidence douloureux pour les américains qui par ailleurs vénèrent Thomas Jefferson. Nous avons essayé de discuter avec nos enfants de la complexité des êtres humains et dans certains cas de leurs parts d’ombre, mais à part notre fils ainé les autres avaient du mal à comprendre.
Je recommande clairement la visite de Monticello. La visite guidée de l’intérieure de la maison est obligatoire (sinon vous ne pouvez que visiter le parc par vous-même). Les billets sont assez chers mais ça en vaut la peine. Par contre aucune photo n’est autorisée a l’intérieure de la demeure.